Une question de méthodologie

L'environnement et les horaires de travail ont toute leur importance pour fidéliser le jeune personnel (Photo : latoque.fr). Encadrement des jeunes salariés en boulangerie-pâtisserie (Photo : latoque.fr).

Pour progresser, un manager doit avant tout acquérir les bons outils qui l'aideront à mieux gérer le capital humain. Suivez le guide !

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Pour Jacques Havard, chargé de formation en management à l'École de Boulangerie et de Pâtisserie de Paris, la gestion des ressources humaines (RH) est une notion floue pour de nombreux artisans. Ceux qui sont passés par la voie classique de l'apprentissage enregistrent un retard colossal par rapport aux entrepreneurs investisseurs qui se retrouvent à la tête de grosses affaires. « Pour ces artisans de métier qui n'ont reçu aucune notion en management, il y a d'abord une prise de conscience à opérer : oui, la gestion des RH, ça les concerne et oui, ça peut se gérer ! », plaide-t-il.

Le travail devient plus fluide quand le personnel connaît  avec exactitude ses responsabilités.

Fidélisation : la clef d'entréePour sensibiliser la profession et progresser sur le management des RH, la CMA de Moselle et l'Agence Régionale pour l'Amélioration des Conditions de Travail de Lorraine ont édité en 2014 un guide complet, étayé par de nombreux témoignages : « 15 propositions pour fidéliser les salariés en boulangerie-pâtisserie artisanale » (voir encadré). « Ce document positionne la fidélisation comme un élément central dans la gestion des RH, ce qui est très pertinent. Car lorsqu'on parvient à fidéliser son personnel, le reste suit naturellement : l'attractivité de son entreprise, le recrutement, l'intégration, la dynamisation des équipes... Au fond, tout est lié à la question : comment rendre le travail intéressant pour donner envie de rester ? Est-ce de donner des ordres et de les faire appliquer par un rapport de force ? Ou bien est-ce de confier des responsabilités et de faire confiance ? », interroge le formateur. À n'en pas douter, l'activité devient motivante dès lors qu'on peut s'y exprimer, y être reconnu et s'y épanouir. Un bon manager sait donc déléguer en tenant compte des possibilités et des attentes de chacun.

Ouverture Deux chantiers attendent l'artisan de bonne volonté : la gestion de la motivation et la gestion des compétences. Sur le premier point, il faut d'abord prendre conscience qu'il existe, entre les anciens et la jeune génération, un fossé culturel qui fait que bien souvent patrons et salariés ne sont pas sur la même longueur d'onde. « Avec la mondialisation des échanges et la communication instantanée, la société est bien moins cloisonnée qu'il y a vingt ou trente ans. Cette ouverture se traduit par l'envie de découvrir, d'apprendre et d'innover en permanence. Tout l'enjeu consiste à raccrocher la tradition boulangère à ce besoin d'ouverture et de créativité. Quand on a compris cela, on a identifié un axe de motivation essentiel », recommande-t-il. Avant de chercher à dynamiser une équipe, il faut aussi prendre le temps de réfléchir à ce qui fait une équipe ! Si le patron veut jouer « perso » et s'il considère ses salariés comme des subalternes, ce sera bien difficile pour lui de les impliquer et de créer une dynamique collective. S'il les voit comme des partenaires sur lesquels il veut pouvoir compter, ce sera bien différent. Les salariés doivent en fait être traités en adultes, libres et responsables. Ils ont, comme tout un chacun, des besoins bien humains, comme l'a défini le psychologue Abraham Maslow dans sa pyramide.

Le caractère officiel de l'entretien en tête-à-tête peut intimiderles plus jeunes. Veillez à détendre l'atmosphère.

Chacun à son poste« On ne confie pas non plus de responsabilités tous azimuts au risque de rendre le travail flou et brouillon. Chaque salarié doit savoir ce qu'il a à faire avec exactitude. Pour cela, il faut mettre en place des fiches de poste, ce qui implique d'y consacrer du temps ! Qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Il s'agit de décortiquer le travail et de définir les fonctions de chacun, en les notifiant par écrit. Qui s'occupe d'informer la production à l'approche d'une rupture de stock en magasin ? Qui réceptionne les livraisons et quelles actions doit-il tenir ? Qui surveille la propreté du magasin ? Chaque salarié doit avoir sa propre fiche de poste adaptée à sa qualification et à son expérience. C'est par ce document que le gérant peut véritablement entrer dans une démarche de gestion des compétences », conseille vivement Jacques Havard. Lorsque tout est écrit noir sur blanc, le travail devient plus fluide, plus rapide, moins accidentogène ou anxiogène. Le patron pourra aussi recruter plus facilement et évaluer le travail de ses collaborateurs au quotidien, en mettant sur pied une « grille » (de recrutement ou d'évaluation) sur la base des fonctions inscrites sur la fiche de poste. Chaque année, il convoquera le salarié pour un entretien en tête-à-tête afin de faire un bilan de la collaboration. « Cette rencontre doit fonctionner sur la base d'un véritable échange. Il s'agit de souligner les problèmes et les points d'amélioration, mais aussi les efforts et les bons résultats. La grille d'évaluation l'aidera à tracer les points positifs et négatifs sur l'année écoulée », ajoute-t-il.

La pyramide de Maslow, qui décrit les besoins humains fondamentaux, est applicable  aussi dans le monde  du travail.

Une séparation dans les règles La fiche de poste et la grille d'évaluation permettront aussi d'identifier immédiatement le responsable lorsqu'un problème surviendra sur le lieu de travail. « Pour régler un différend avec un salarié, il faut observer une certaine logique. Dans un premier temps, le gérant doit aller voir l'intéressé pour discuter avec lui (sous la forme d'un échange informel) et tenter de comprendre ce qui s'est passé. Il s'agit de se baser sur la fiche de poste et sur des faits précis et argumentés. En cas de défaillance grave ou récurrente, le gérant devra régler la situation à l'amiable avant d'engager une procédure de licenciement en bonne et due forme, en le convoquant à un entretien plus formel pour lui faire comprendre que l'entreprise a un vrai problème avec lui et qu'il faut trouver une solution de toute urgence », indique Jacques Havard. A contrario, lorsqu'un salarié montre de la motivation, il faut pouvoir le remercier par un système de gratification (prime, augmentation, cadeau…). Il est également important que les perspectives d'évolution soient claires. Il est donc recommandé de créer une certaine hiérarchie au sein du personnel (par ex. : ouvrier pâtissier, chef pâtissier puis responsable de production), avec un salaire et des responsabilités adaptés en conséquence. « Toutefois, lorsque que le patron ne peut offrir d'évolution aux bons éléments du fait de la taille et du volume d'affaires de l'entreprise, il doit les tenir informés de cette situation. Il peut leur proposer un marché : ils trouvent quelqu'un de compétent pour les remplacer quand ils voudront partir, en échange de quoi l'exploitant leur propose son aide s'ils veulent créer leur entreprise ou engranger des compétences qui les aideront à monter dans le métier », conseille-t-il. Entretenir de bons rapports avec ses salariés, même lorsqu'ils partent, est l'assurance de faire fonctionner le bouche-à-oreille pour attirer de jeunes recrues. C'est aussi un levier pour valoriser son entreprise lorsque sonnera le temps de la transmission.

Gestion des compétences : les pistes de progrès1- Le recrutement 2- L'intégration 3- L'évaluation 4- La formation 5- Le licenciement

par Armand Tandeau (publié le 22 octobre 2015)

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